Ce blog est entièrement consacré au cinéma-philosophie c'est à dire à l'association de l'analyse des films par le prisme de la philosophie et plus généralement de la possibilité d'avoir une lecture philosophique d'une œuvre cinématographique. On pourra retrouver aussi des analyses purement filmiques et des textes philosophiques.


Esthétique

 

 

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" Le cinéma n'est pas un spectacle, c'est une écriture. "  
Robert Bresson

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« L’art est le grand stimulant de la vie ».
Nietzsche, Crépuscule des idoles.
 
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Sur le cinéma 
 
Un film, tel que je le conçois, est une vision du monde, un acte singulier unique qui s'inscrit dans l'élaboration d'une œuvre, d'une réflexion, d'une pensée et d'un sens.
Les œuvres qui restent et resteront dans l'histoire, sont celles qui continuent et continueront à fasciner le public par l'étendue du sens qu'elles développent et suscitent. Les autres ne sont que des moyens qui permettent de faire tourner une industrie qui préfèrent abrutir les masses plutôt que de les élever et des les amener vers de nouveaux horizons, plus profonds et plus vastes. L'immédiateté est toujours plus aisée, plus accessible et tellement plus rentable ! Entrer dans un nouvel univers demande des efforts, une attention, une concentration accrues. Mais la récompense est tellement plus pérenne, belle et profonde.

Nous gagnons toujours à vouloir nous élever et éduquer notre perception. Ce n'est qu'en nous confrontant à de nouvelles audio-visions (ou percepts) que nous pouvons prétendre à aiguiser notre sensibilité. La question n'est pas tant d'aimer ou de ne pas aimer, même si le goût est déterminant (il s'éduque également) dans le plaisir que nous y adossons, mais de ressentir en soi ce qui résonne avec nous-mêmes dans ce qui nous est montré, de se laisser porter par ces nouvelles sensations. Notre cerveau, notre corps, enregistreront ces moments qui marqueront d'une empreinte nos souvenirs.

Après avoir visionné un film, s'il laisse en nous ce marqueur affectif, nous continuerons à vivre avec sa présence - à l'image d'un rêve qui continue d’habiter nos pensées par les sensations qu'il génère - sans trop savoir ce qui se passe. C'est de cette incertitude, de ce mystère qu'il faut savoir extraire, à condition de nous en donner les moyens (notamment le temps), une contiguïté dans les pensées, un lien avec ce que nous sommes. Ce n'est qu'à partir de ce point nodal que la pensée pourra produire ce qu'elle sait faire. Ainsi, un film d'auteur nous met en lien avec nos sentiments, nos perceptions pour agir sur notre raison. Le travail de déconstruction tel qu'il devrait s'opérer, à savoir l'analyse filmique à proprement dit, prend alors tout son sens et c'est à ce prix que nous serons à même de découvrir de nouvelles formes, un nouveau langage, dans l'intégration de ce que nous connaissons déjà.
 
 
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Une histoire de goût

  
Éthique du goût
Essai sur une ontologie du goût


Lorsque nous aimons une œuvre, nous pensons qu'il en va de même pour autrui. Peut être s'agit-il là du plus grand malentendu sur le jugement du goût. C'est en cherchant à convaincre que nous espérons modifier ou infléchir le goût de l'autre. Nous utilisons tous les arguments possibles pour tenter de convaincre.
Les discordes les plus virulentes apparaissent dès lors que nos arguments n'entrent pas en résonance avec ce que nous espérions. Car le goût touche notre sensibilité, nos affects en tout premiers lieux. Ces derniers n'entrent pas dans un mécanisme rationnel mais subjectif, où le sentiment prédomine sur notre raison. Notre idiosyncrasie issue d'une généalogie singulière détermine ce que nous sommes et donc ce que nous aimons.
Le constat que l'on peut faire est que notre goût évolue. Il s'éduque, se peaufine. Et c'est là toute la mesure de nos différences.
On pourrait alors supposer que l'appréciation que nous portons sur une œuvre relève de différentes phases qui débouchent respectivement sur différents stades :


1/ Phase émotionnelle
 
Elle constitue le premier degré ou niveau de jugement que l'on perçoit d'une œuvre. Tout un chacun est à même de ressentir une émotion au contact de l'œuvre en question. C'est l'affectif et le sentiment qui priment dans la chronologie du jugement. Ils vont nous permettre de ressentir face à l'œuvre ce qui nous trouble, nous émeut ou ne nous touche pas. Cette première impression débouche sur la phase esthétique.



Stade pré-esthétique (niveau 1)

En fonction de l'émotion qui nous aura animée nous serons à même de porter un jugement esthétique qui nous fera exprimer : "ça me plait" ou "ça ne me plait pas", ou bien "j'aime" ou "je n'aime pas".
La plupart d'entre nous s'arrête à ce stade, préférant déléguer (reléguer) à la sensibilité une confiance aveugle qui n'engage pas notre "responsabilité" rationnelle. Dès lors qu'il s'agit d'expliquer pourquoi nous avons été touché, les arguments ne sont que le reflet de notre passion, l'expression de la vie qui est en nous.
Nous vivons avec des œuvres qui nous ont touché, les retrouvant au fil du temps, et notre jugement esthétique reste souvent figé à cette première impression, certes fondamentale.



2/ Phase rationnelle ou analytique

      a/ Analyse objective (technique) ou phase matérielle
 
Cette phase correspond à notre faculté d'analyse de l'œuvre et donc de l'intervention de plusieurs facteurs que la raison autorise.
Elle permet d'avoir une perception plus encline à la notion de technique, au savoir faire, à l'histoire. Tout ce qui se base sur du factuel.
Une analyse est un approfondissement de notre connaissances par le biais des techniques qui se réfèrent à l’œuvre en question :
  • S'il s'agit d'un texte, nous nous attacherons à connaître le contexte qui a préfiguré à son élaboration, à sa forme (poème, prose, construction, style,...), à l'originalité qui s'en dégage. 
  • Pour une construction architecturale
  • Un morceau de musique
  • Une œuvre picturale
  • Un film 
  • Un spectacle vivant 
  • Une sculpture

Nous nous posons avec plus de recul au cours de cette phase et nous pouvons infirmer ou confirmer notre première lecture. Le plus souvent l'analyse ne fait que renforcer notre ressenti et, même si une œuvre ne résiste pas à une analyse approfondie, nous restons fidèles à nos sentiments premiers.
Cette phase nécessite des connaissances qui ne sont pas issues de nous mêmes mais d'un savoir exogène qui tend à peaufiner notre goût car au delà de l'analyse objective (matière, technique, support, ....) se présente un autre type d'analyse.


          b/ Analyse subjective ou phase comparative
 
Il s'agit de décoder toute une subjectivité propre à l'artiste qui le singularise et pour laquelle nous avons une plus ou moins grande affinité.
Ce lien que nous possédons avec l'œuvre se rattache directement à notre sensibilité (phase 1) tout en intégrant ce travail analytique qui ne peut s'établir qu'au fil du temps par comparaison, c'est à dire par une alchimie entre des regards croisés qui portent sur des similitudes et ou des différences.
Notre regard se différencie et augmente le spectre de notre perception et donc de notre goût. C'est la phase la plus longue, parsemée de découvertes, de nouveautés mais surtout de nouveautés dans la similitude.
Nous construisons réellement notre goût lors de cette phase car elle cristallise l'ensemble des composantes qui s'agglomèrent autour de notre singularité.
L'effet de surprise ou la possibilité de rencontrer "ce qui n'est pas nous" est une faculté qu'il ne faut pas négliger. Sans laisser de place à cette innocence du devenir, nous serions toujours attirés par des œuvres qui correspondent à des critères pré-déterminés et donc qui comportent une certaine prévisibilité dans l'élaboration nos goûts. Or, l'une des forces de l'Art est bien de susciter une forme d’innovation à laquelle il faut toujours rester attentive. Cette porte ouverte sur un devenir est la condition que la liberté permet. C'est par la découverte que nous forgeons notre goût, tout en préservant une cohérence émotionnelle.
Il faut comprendre ces stades comme de véritables épreuves qui valident et/ou invalident des choix antérieurs.



Stade esthétique (niveau 2)

Ce stade vient corroborer l'ensemble de ce qui précède et notamment la synthèse de la phase analytique. Nous possédons dès lors une connaissance plus intime de l’œuvre et surtout moins superficielle grâce à laquelle il sera possible d'étendre à d'autres champs notre approche esthétique.
Ce stade est sans doute celui pour lequel nous entretenons le lien le plus durable dans le temps.
Lui seul nous permet d’accéder à la phase supérieure car il permet de confronter nos goûts avec l'évolution de notre être et de notre sensibilité.



3/ Phase temporelle ou maturation

C'est l'épreuve du temps qui nous donnera une vision presque définitive. Nos goûts évoluant, notre sensibilité aussi, ainsi que nos connaissances, nous entretenons avec l'œuvre un rapport nouveau qui peut se révéler différent de la première approche.
Il est toujours remarquable de constater que lors de cette phase, nous tentons de retrouver une émotion première (celle ressentie lors de la phase émotionnelle) et nous nous attachons, par je ne sais quelle fidélité à nous-même, de reconquérir cette émotion primaire. Elle peut ne pas resurgir et nous sentons alors une immense déception qui nous fait comprendre combien nos goûts changent et que nous évoluons aussi en parallèle. Elle peut renaître sous d’autres formes que le souvenir et la nostalgie amplifient comme une amertume mélancolique. Enfin nous pouvons ressentir à son contact la même émotion. Alors cette œuvre agit toujours sur nous comme la première fois.


Temporalité et apprentissage
 
Le temps est la dimension qui permet à l'être d'évoluer. La connaissance est une fonction du temps. Ce qui caractérise l'humain par rapport aux autres espèces vivantes est cette faculté qu'il possède d'apprendre tout au long de son existence.
L'apprentissage n'est pas une collection de connaissances cumulatives mais la mise en relation de notions qui permettent de créer de nouvelles entités propres à chacun.
Ainsi, analyser une œuvre d'art se fera toujours dans une mise en perspective, mettant en relation l'ensemble de nos connaissances déjà acquises sur l'œuvre, l'histoire, les techniques, les différentes œuvres de l'auteur, ...., mais aussi l'ensemble des connaissances que nous avons dans d'autres domaines et notre propre histoire (subjectivité).
Utiliser consciemment ou inconsciemment l'ensemble de ces paramètres nous donnera de l'œuvre une vision beaucoup plus précise et approfondie.


Chronologie du jugement 
 
Chaque étape peut se franchir en phase avec notre évolution propre, mais il est clair qu'à partir du moment où le stade pré-esthétique est franchi, les éléments s'acquièrent simultanément.




Le jugement dernier ou stade éthique (niveau 3)

Cette dernière phase soulève la question d'un jugement définitif sur une œuvre. Dès lors que nos goûts évoluent, arrivé t-on a un moment de notre existence à figer notre goût ? Certes il existe des fondamentaux qui montrent une certaine fixité dans notre jugement du goût.
Il s'agit ici de voir en quoi notre jugement se nuance au fil du temps. L'essentiel se résume dans ce point nodal, centre névralgique de l'élaboration du goût.
Notre jugement dernier sera celui que nous emporterons avec nous dans notre dernier souffle. Il est celui de la maturité.


Notion de cyclicité
 
Remarquons que ce que nous apprécions à un temps T de notre existence peut se retrouver dans un temps T+1, apprécié avec décalage. Autrement dit la présentation puis la représentation d'une œuvre après un temps nous en donne une vision tronquée car emprunte de l'affectif qui nous y rattachait au premier moment.
Il est donc nécessaire de se demander en quoi ces deux (au minimum) jugements peuvent interférer.
La part d'objectivité/subjectivité qui devrait nous concerner doit être prise en considération.
Ainsi, pourquoi continuons avec la même intensité (et même parfois plus) à aimer une œuvre ? Pourquoi n'avons-nous plus aucune accointance avec une œuvre qui nous touchait par la passé ? Voilà les questions auxquelles il faut répondre.    


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Sur l'Art ...


Lorsqu'on aime, on est à la fois subjectif et objectif.


Tout art confondu, c'est sans doute la musique qui a eue ma plus grande attention, mon acuité la plus fine et mon amour le plus fidèle. Elle m'a nourrie au plus profond, sans rien attendre en retour, et n'ayant que très peu de mots à lui offrir.
Tout ce que la musique a laissée comme trace en moi ne s'exprime que de façon indirecte et longtemps après que le temps est fait son œuvre.






"Je défends l’art qui porte en lui une nostalgie de l’idéal." Andréi Tarkovski


"Je ne me souviens que de l’avenir."  
Nostalghia


Plus un artiste met de l'exigence dans sa création, plus le spectateur exigeant trouvera satisfaction à son désir.

Le véritable artiste est celui qui met dans son œuvre ses tripes et sa vie, son corps et son être.

Son existence doit transpirer de son œuvre et le sens qu’il y met doit avoir la répercussion la plus intense chez celui qui la contemple.

Être exigeant signifie tout sauf vouloir être fermé à l’autre. Bien au contraire, il naît de l’altérité la plus singulière relation, une fenêtre vers un ailleurs.

Les œuvres qui possèdent des sens multiples sont les plus puissantes et les plus pérennes.

Une œuvre d’art qui a du sens est une œuvre qui revêt plusieurs significations.

Le premier sens que devrait avoir toute œuvre d’art est d'ordre émotionnel.

Les différents niveaux de sens d’une œuvre d’art sont apportés par une analyse rationnelle qui devrait mener vers une nouvelle émotion.

Cette analyse doit dévoiler des sens cachés voulus par l’auteur et d’autres interprétés par le spectateur.

L’analyse d’une œuvre d’art doit s’appuyer sur une connaissance de la technique de l’art en question.

Tout artiste doit maîtriser les techniques propres à son médium.

Savoir utiliser les techniques adaptées c’est signifier vers le spectateur que les moyens sont au service du sens.

Comprendre après avoir analysé une œuvre d’art permet d’en avoir une connaissance plus intime et surtout de ressentir de nouvelles émotions, plus intellectuelles et plus durables dans le temps.

Une œuvre qui a demandé à l’artiste de l'exigence est une œuvre travaillée et pensée.

Seule la pensée nous fait concevoir l’art si nous sommes artiste, mais la pensée seule ne suffit pas.

L’art nous laisse percevoir l’émotion si nous sommes spectateur.

Une œuvre pensée et qui nous donne de l’émotion est le plus beau sens que l’on puisse lui attribuer.
 

"L'idée de l'infini se dégage du beau comme l'idée du beau se dégage de l'infini. La beauté, ce n'est pas autre chose que l'infini contenu dans un contour."

V. Hugo

 
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L'émotion naît d'une éducation

En matière d'Art, les plaisirs les plus intenses sont ceux qui demandent une (certaine) éducation et une culture appropriée.  
Une grande émotion en Art est proportionnelle au niveau de culture du spectateur. 
Pour les non connaisseurs, apprécier les derniers quatuors de Lvb participe d'un certain snobisme, pour les amateurs il s'agit d'une œuvre qui touche au sublime. Pourquoi? 
Car toute œuvre nécessite une initiation, au-delà même de ce qu'elle nous offre dans son immédiateté, l'enjeu est ailleurs, c'est à dire son essence même qui nous fera dire que telle œuvre est belle et nous touche. 

Éducation et temporalité 
Il faut savoir exercer ses goûts, les confronter avec d'autres, même issus d'autres formes artistiques. Il en va de même d'un sommelier qui ne goûterai qu'un seul type de cépage et se spécialisant serait incapable d'apprécier des vins venus d'ailleurs. Le goût est une prédisposition à une ouverture sur le monde et sur les productions humaines ou la nature. Le goût est un devenir que nos parents, notre milieu, notre entourage, nos rencontres, éduquent et que nous nous approprions pour en constituer une singularité, ce que Nietzsche nomme notre idiosyncrasie. 


Exercer son goût est une démarche animée par une passion et non un sacerdoce. 
Il s'élabore, se peaufine, se perfectionne et c'est ce qui en fait tout son charme. Ce sont les nuances les plus fines qui intéressent l'amateur de goût, nuances que nous pouvons apprécier que par une pratique régulière. Prenons un exemple, pourquoi l'aria des Variations Goldberg interprétée par G. Gould au piano en 1955 ou par M. Perahia en 1986 nous apportent une émotion différente, même s'il s'agit de la même partition, mais jouées et vécues par deux êtres, deux artistes, dont la vision de cette œuvre est aux antipodes? Et pourtant les deux sont indispensables et nécessaires. Elles nous éclairent sur le monde, sur nous mêmes, nous faisant vivre des émotions différentes. Les nuances peuvent paraître pour un novice inexistantes, elles sont pour l'amateur qui s'est plongé dans le détail de ces mêmes nuances, d'une extrême diversité, d'une ampleur telle qu'elles constituent à elles seules un nouveau monde dans lequel le plaisir de naviguer nous procure une joie immense.  
La différence dans la similitude est peut être l'une des plus belles expériences de l'art dans la vie car elle est la vie de l'art. 
L'amateur d'art a un rapport au temps particulier, dans la mesure ou une œuvre vit en lui tout au long de son existence, si elle exerce toujours le même pouvoir sur lui, au fil des âges. Le temps est à la fois linéaire et cyclique. Pour nous, ce qui a été n'est plus, mais l'œuvre est figée, immuable et les retours que nous opérons sur elle sont récurrents et forment des boucles temporelles, alors même que nous en acquérons une autre vision, peut être plus fine et élaborée, peut être plus distante et kitch, mais en tous cas différente. Ainsi de vivre avec des œuvres qui nous accompagnent tout au long de notre existence participe d'une redécouverte permanente avec une forme de constance. 
À nous de nous constituer notre propre histoire des œuvres dans l'art et de collectionner dans un imaginaire dynamique celles qui auront notre prédilection, notre préférence, celles qui continueront à nous toucher, à nous émouvoir, à nous interroger à nouveau sur ce qu'elles véhiculent pour nous même, dans le rapport que nous entretenons à l'égard du monde. 
Il me semble que lorsque nous découvrons pour la première fois une œuvre et ce, quelque soit l'âge, nous avons comme une fierté intérieure à nous l'approprier et à l'intégrer au cœur de notre musée imaginaire. À l'évidence, nos choix ponctuels n'ont rien d'originaux, sauf à découvrir un artiste naissant, mais nos goûts, dans leur diversité, constituent l'expression de notre singularité, la palette unique de notre idiosyncrasie. Et c'est bien cela qu'il faut cultiver coûte que coûte. 

Que vaut il mieux ?
Appréhender l'ensemble des aspects d'une œuvre ou se contenter d'un seul? 
Une plus grande profondeur dans la connaissance apportera toujours plus de plaisir et de joie. La contrepartie est qu'il faut rencontrer l'œuvre en question et s'y confronter. Cette démarche demandera toujours plus d'efforts que de se contenter d'une simple vision. L'effort, synonyme de travail pour la plupart, reste la barrière à franchir et le Graal a atteindre. C'est la que le terme d'éducation prend tout son sens et tout l'intérêt que nous mettrons dans une découverte sera toujours un cheminement que l'on fait vers l'extérieur qui aura des répercussions indélébiles en nous. 


Je n'ai que très rarement rencontré des personnes à même de pratiquer cette démarche, même s'ils se disent passionnés ou amateurs d'art! C'est un constat récurrent qui ne devrait pas être de mise car réserver la connaissance à des spécialistes n'est jamais une bonne chose. 
Accaparons nous l'Art pour, à notre tour, en transmettre au travers des œuvres les savoirs qui en découlent. 
 
 
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Paradoxes de la création


Lors d'une discussion, lorsque nous évoquons une œuvre que nous venons de lire, voir, entendre, ou contempler, d'emblée nous ne parlons jamais du style. Nous nous sentons toujours obligés de la décrire ou de la raconter, comme si notre émotion passait uniquement au travers de l'histoire et non de la forme qu'elle prend, essentiellement parce qu'une histoire est immédiatement intelligible et perceptible par l'autre. 

Toute forme parle aux sens quand le fond parle à la raison.  
Toute forme est construite par la raison et perceptible par l'émotion.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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L'émotion naît d'une éducation

En matière d'Art, les plaisirs les plus intenses sont ceux qui demandent une (certaine) éducation et une culture appropriée.  
Une grande émotion en Art est proportionnelle au niveau de culture du spectateur. 
Pour les non connaisseurs, apprécier les derniers quatuors de Lvb participe d'un certain snobisme, pour les amateurs il s'agit d'une œuvre qui touche au sublime. Pourquoi? 
Car toute œuvre nécessite une initiation, au-delà même de ce qu'elle nous offre dans son immédiateté, l'enjeu est ailleurs, c'est à dire son essence même qui nous fera dire que telle œuvre est belle et nous touche. 

Éducation et temporalité 
Il faut savoir exercer ses goûts, les confronter avec d'autres, même issus d'autres formes artistiques. Il en va de même d'un sommelier qui ne goûterai qu'un seul type de cépage et se spécialisant serait incapable d'apprécier des vins venus d'ailleurs. Le goût est une prédisposition à une ouverture sur le monde et sur les productions humaines ou la nature. Le goût est un devenir que nos parents, notre milieu, notre entourage, nos rencontres, éduquent et que nous nous approprions pour en constituer une singularité, ce que Nietzsche nomme notre idiosyncrasie. 


Exercer son goût est une démarche animée par une passion et non un sacerdoce. 
Il s'élabore, se peaufine, se perfectionne et c'est ce qui en fait tout son charme. Ce sont les nuances les plus fines qui intéressent l'amateur de goût, nuances que nous pouvons apprécier que par une pratique régulière. Prenons un exemple, pourquoi l'aria des Variations Goldberg interprétée par G. Gould au piano en 1955 ou par M. Perahia en 1986 nous apportent une émotion différente, même s'il s'agit de la même partition, mais jouées et vécues par deux êtres, deux artistes, dont la vision de cette œuvre est aux antipodes? Et pourtant les deux sont indispensables et nécessaires. Elles nous éclairent sur le monde, sur nous mêmes, nous faisant vivre des émotions différentes. Les nuances peuvent paraître pour un novice inexistantes, elles sont pour l'amateur qui s'est plongé dans le détail de ces mêmes nuances, d'une extrême diversité, d'une ampleur telle qu'elles constituent à elles seules un nouveau monde dans lequel le plaisir de naviguer nous procure une joie immense.  
La différence dans la similitude est peut être l'une des plus belles expériences de l'art dans la vie car elle est la vie de l'art. 
L'amateur d'art a un rapport au temps particulier, dans la mesure ou une œuvre vit en lui tout au long de son existence, si elle exerce toujours le même pouvoir sur lui, au fil des âges. Le temps est à la fois linéaire et cyclique. Pour nous, ce qui a été n'est plus, mais l'œuvre est figée, immuable et les retours que nous opérons sur elle sont récurrents et forment des boucles temporelles, alors même que nous en acquérons une autre vision, peut être plus fine et élaborée, peut être plus distante et kitch, mais en tous cas différente. Ainsi de vivre avec des œuvres qui nous accompagnent tout au long de notre existence participe d'une redécouverte permanente avec une forme de constance. 
À nous de nous constituer notre propre histoire des œuvres dans l'art et de collectionner dans un imaginaire dynamique celles qui auront notre prédilection, notre préférence, celles qui continueront à nous toucher, à nous émouvoir, à nous interroger à nouveau sur ce qu'elles véhiculent pour nous même, dans le rapport que nous entretenons à l'égard du monde. 
Il me semble que lorsque nous découvrons pour la première fois une œuvre et ce, quelque soit l'âge, nous avons comme une fierté intérieure à nous l'approprier et à l'intégrer au cœur de notre musée imaginaire. À l'évidence, nos choix ponctuels n'ont rien d'originaux, sauf à découvrir un artiste naissant, mais nos goûts, dans leur diversité, constituent l'expression de notre singularité, la palette unique de notre idiosyncrasie. Et c'est bien cela qu'il faut cultiver coûte que coûte. 

Que vaut il mieux ?
Appréhender l'ensemble des aspects d'une œuvre ou se contenter d'un seul? 
Une plus grande profondeur dans la connaissance apportera toujours plus de plaisir et de joie. La contrepartie est qu'il faut rencontrer l'œuvre en question et s'y confronter. Cette démarche demandera toujours plus d'efforts que de se contenter d'une simple vision. L'effort, synonyme de travail pour la plupart, reste la barrière à franchir et le Graal a atteindre. C'est la que le terme d'éducation prend tout son sens et tout l'intérêt que nous mettrons dans une découverte sera toujours un cheminement que l'on fait vers l'extérieur qui aura des répercussions indélébiles en nous. 


Je n'ai que très rarement rencontré des personnes à même de pratiquer cette démarche, même s'ils se disent passionnés ou amateurs d'art! C'est un constat récurrent qui ne devrait pas être de mise car réserver la connaissance à des spécialistes n'est jamais une bonne chose. 
Accaparons nous l'Art pour, à notre tour, en transmettre au travers des œuvres les savoirs qui en découlent. 
 
 
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